Ininterrompus
Salut mes chers et chères Équilibristes,
Difficile de commencer une lettre qui parle d’harmonie pro/perso dans le contexte actuel. Le contenu de cette lettre, je l’avais en tête depuis quelques jours, et puis le 24 février est arrivé et ce que j’avais prévu de partager m’a semblé tout d’un coup tragiquement décalé.
Difficile de vivre la vie avec la (toute relative) légèreté d’avant quand on sait ce que vivent les Ukrainiens. Chaque jour, dans les moindres gestes, je me dis que j’ai de la chance : chance que mes enfants puissent jouer dans le jardin sans avoir à s’abriter, chance de ne pas craindre le départ au front de mon mari, chance de ne pas me demander comment je vais nourrir ma famille aujourd’hui. Sans rajouter au bruit, et avant de vous partager le contenu du jour, je ne pouvais pas commencer cette lettre comme si de rien n’était. Le sentiment d’assister impuissante à la tragédie qui se joue me quitte peu ces jours-ci. Si vous vous sentez impuissant·e vous aussi, alors voici quelques liens pour aider, si vous le souhaitez et pouvez :
Pour les Bordelais·es parmi vous, il y a une collecte de matériel, surtout médical, qui partira dans un camion samedi. Les infos sont ici
Anastasia Mikova, journaliste et réalisatrice d’origine ukrainienne que vous avez entendue dans le podcast, partage sur son compte Instagram des nouvelles d’Ukraine et des tas de liens pour aider
Et voici un site qui détaille toutes les manières dont nous pouvons aider, même depuis la France
Grande inspiration.
Et en même temps. (Parce que c’est ça notre défi, faire vivre tout cela en même temps).
Je voulais vous parler aujourd’hui d’un grand moment de bonheur que j’ai eu la chance de vivre ces dernières semaines, et des réflexions qu’il m’a inspirées.
Pour mon anniversaire cette année, mon mari, celui qui partage ma vie depuis 22 ans, m’a offert un voyage à Venise. Je ne connaissais pas cette ville et n’en avais qu’une image très caricaturale. Et j’ai été littéralement retournée, bouleversée par la beauté, l’histoire, l’atmosphère de cette ville.
Pendant quelques jours, on a déambulé, au gré de nos envies. Nos envies. Nos. Envies.
Je décompose parce que c’est ça dont j’avais envie de parler. Cette parenthèse pour nous, cette parenthèse qui a laissé de la place aux envies, à la perte de temps, loin des contraintes. Et ce qu’on a le plus savouré : le fait d’être ininterrompus. De pouvoir avoir une conversation du début à la fin, de dérouler le fil d’une pensée, d’une réflexion. D’aller au bout d’une ruelle, au bout d’un quartier, de se perdre.
Ces dernières années, je crois que c’est une des choses qui ont été les plus difficiles, pour beaucoup d’entre nous : l’interruption permanente. Le fait de devoir passer, en un instant, d’un sujet, d’un rôle, d’une conversation, à l’autre, sans barrière et sans sas. On le sait, notre cerveau ne cloisonne pas, et il n’est absolument pas fait pour le multi-tâche, qui est l’arnaque du siècle pour les parents qui travaillent comme nous.
Ces quelques jours à deux étaient un privilège à bien des égards, mais la question est là : comment on intègre plus de ça dans le quotidien ? « Ça » étant, en vrac : l’émerveillement, la légèreté, nous, soi, l’ininterruption.
Pour moi, ça commence demain par le concert d’un ami de lycée, auquel j’aurais sûrement dit non il y a quelques semaines, et auquel j’ai dit un grand OUI.
L’équilibre, ce fameux équilibre devenu injonction, le pauvre, c’est bien ça : faire vivre, le plus possible, tout ce qui fait qu’on est soi.
Quelle partie de vous avez-vous envie de réveiller ?
Et des moments ininterrompus, vous arrivez à vous en créer ?
Take good care mes ami·es,
Sandra