Prendre de la hauteur

Salut mes chers et chères Équilibristes,


Récemment, je me suis offert un puzzle représentant un de mes tableaux préférés : Nighthawks de Edward Hopper.

Hopper est un peintre dont l’œuvre me touche beaucoup – la sobriété de ses tableaux, son utilisation des couleurs, et sa manière de représenter la solitude autant que le lien. Il a aussi beaucoup peint les paysages de Nouvelle Angleterre, où j’ai grandi, et les regarder me replonge dans des souvenirs très forts.

Je me suis donc mise à faire ce puzzle, petit à petit, 5 minutes par ci, 5 minutes par-là, en attendant que mon repas cuise le midi, ou le soir, après avoir couché les enfants, pour prendre le temps de me poser, de me rendre disponible à la suite de la soirée.

Ce puzzle, et le plaisir qu’il me donne, est une belle métaphore pour parler d’équilibre, et des thématiques des épisodes parus ce mois-ci.

D’abord à cause du va et vient entre le micro et le macro. Je passe de l’observation fine des détails d’une pièce, pour essayer de voir si c’est bien celle que je cherche, à la prise de recul, la prise de hauteur, pour voir l’ensemble et me rendre compte si ce sont bien ces couleurs-là que je dois chercher. Ce va et vient entre le micro et le macro est au cœur de nos explorations d’équilibristescomment je prends soin de moi, comment je me mets au clair sur mes priorités, mes moteurs, mes ressources, pour pouvoir être dans le monde, y interagir et y contribuer de la manière la plus juste. L’attention à l’un (soi, le micro) ne peut se faire sans attention à l’autre (le monde, le macro).

Ensuite, parce qu’en me concentrant sur les détails, je découvre des choses que je n’avais jamais vues. Ce tableau, je l’ai beaucoup observé (c’est ce que je croyais), et pourtant, j’ai découvert quelque chose qui m’avait échappé jusque-là : cet infime mouvement des mains des deux personnages à droite, leurs mains qui semblent chercher à se rejoindre, alors que tout dans leur gestuelle reflète la solitude, l’isolement. Ça m’a émue de voir ça.

Enfin, parce que quand je fais ce puzzle, je suis dans un état de flow, l’état décrit par le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi. C’est un « état totalement centré sur la motivation. C'est une immersion totale, qui représente peut-être l'expérience suprême, employant les émotions au service de la performance et de l'apprentissage. Dans le flow, les émotions ne sont pas seulement contenues et canalisées, mais en pleine coordination avec la tâche s'accomplissant. Le trait distinctif du flow est un sentiment de joie spontané, voire d'extase pendant une activité. » (Wikipédia)


Essentiel à notre bien-être psychique, mental, notre équilibre, et assez rare dans nos quotidiens tourbillonnants d’équilibristes. Ça me fait du bien de me l’offrir.

La prise de hauteur, c’est justement ce que proposent les deux interviews que j’ai eu le plaisir de publier ce mois-ci :

Avec Jerry Hyde, thérapeute britannique qui anime depuis 27 ans des groupes de parole pour hommes. Il a co-réalisé un magnifique film, Make me a man, avec Mai Hua, qui explore la vulnérabilité masculine. Dans notre échange (en anglais), Jerry a rappelé à quel point les sujets d’équilibre des temps de vie, de répartition des rôles dans les familles et en dehors, étaient nouveaux à l’échelle de l’humanité.

"The pressure on the original family unit is almost intolerable, and I don’t think we’ve yet adapted to create a new form of the family, and allocation of who does what. If that will even exist. But that old nuclear family model is now redundant, and we’re in a kind of in between phase, where we’re trying to figure out “so how do we do it? and how do we provide all this stuff that we’re now expected to provide?”"

“People think they’re failing, and I don’t think it’s a matter of personal failure. We’re in transition and transitions are very difficult. I think it’s healthy to put that message out – you’re not fucking up, it’s just that we’re moving through some old ways into some new ways, and we’re all doing our best.”

“80% of what I talk about is relationship struggles. Probably the toughest thing any of us does anymore is to hold down a long-term intimate relationship. There’s not much to support that.”

J'écoute l'épisode


Et avec Christophe André, le célèbre psychiatre qui nous parle si bien de bonheur, de méditation, et de consolations dans son dernier livre. Il a livré des clés d’une très grande justesse, notamment sur le lien entre l’équilibre et la sensation de finitude. Notre échange m’accompagne au quotidien.

« L’affolement lié à la profusion : nos anciens vivaient dans un univers où leur sentiment de contrôle pouvait découler du fait qu’ils maîtrisaient à peu près tout ce qu’il y avait à faire. Il n’y avait pas tant de livres que ça à lire, pas tant de pays que ça à visiter, pas tant de choses que ça à faire à son travail. Aujourd’hui, on est submergés de séries à regarder, de musique à écouter. Et de temps en temps l’angoisse monte : “Jamais de toute ma vie je ne pourrai visiter tous les pays, voir tous les films, écouter toutes les musiques.”
Et c’est pareil au boulot. De plus en plus, on est exposés à des boulots où il nous est impossible de dire “Là ça y est, j’ai tout fait, j’ai fini”.

On oublie que notre vieux cerveau, il aime ce qui est carré, ce qui est prévisible, ce qui a un début et une fin. Et là on vit dans des univers qui n’ont ni début ni fin. »

J'écoute l'épisode

Le rythme de cette lettre s’est ralenti, le temps que je m’habitue à ce nouveau rythme de publication hebdomadaire. Je suis en train de retrouver mes marques, et je me laisse encore le temps de voir comment cette lettre s’ajuste. Si vous avez des idées, ou envie de me partager ce que vous aimez lire, vos messages sont toujours les bienvenus.

Je voulais aussi vous partager ma joie après le premier Atelier des Equilibristes de la semaine dernière, sur la thématique de la confiance en soi et en lien avec l’épisode consacré à la thématique. Merci aux 7 formidables équilibristes présentes pour ce moment riche – elles m’ont soufflé les thématiques des prochains, je vous en dis plus très bientôt si vous avez envie de vous joindre à nous.

J’ai de très beaux épisodes à vous proposer dans les semaines qui viennent – abonnez-vous à votre plateforme d’écoute préférée pour être averti·e de leur parution.

Merci de votre fidélité au podcast, à mon travail, et prenez bien soin de vous avant, je l’espère pour vous, des vacances bien méritées

En avant mes Équilibristes !

Sandra

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