Prendre de la place ou prendre sa place ?

Salut mes chères et chers Équilibristes,

« Always take up as much space as you can »

C’était le mantra de ma copine suédoise en échange à l’EM Lyon quand j’y étais étudiante. Nous avions une toute petite vingtaine d’années, nous étions très différentes, et nous rigolions beaucoup. Et je me souviens encore de ma fascination quand elle m’avait partagé cette phrase, qui la guidait dans sa manière d’être et de vivre.

Ça me semblait très « pushy » comme posture, et c’était tout l’opposé de mon mantra non-formulé. J’avais beau être l’aînée (à qui on reproche souvent de prendre beaucoup de place), j’étais plutôt du genre à vouloir faire les choses de manière irréprochable pour ne justement pas trop prendre de place, ni faire trop de vagues.

J’y repense souvent à cet échange avec mon amie suédoise.

Peut-être parce que je suis maintenant maman d’une petite fille, qui semble connaître et prendre sa place avec beaucoup de grâce depuis qu’elle est toute petite, et dont la détermination, combinée à une grande délicatesse vis-à-vis des autres, me ravissent – pourvu qu’elle les cultive toute sa vie.

Peut-être parce que je viens de déménager, que j’ai maintenant un vrai espace bureau pour moi, et que je m’autorise depuis peu seulement à l’appeler « mon bureau ». Je me suis même offert un plus grand bureau (meuble) pour pouvoir prendre plus de place, étaler mes bouquins, micros et notes.

Peut-être parce que dans les thèmes que j’explore avec vous dans Les Équilibristes et Conscious Cultures, il est beaucoup question de place : place de femme ou d’homme, place de parent, place de professionnel·le, au bureau, à la maison, dans son couple ou dans toutes les relations familiales, amicales, sociales, qui comptent. Quelle est la place que je souhaite occuper ? Comment je peux la faire évoluer, la garder vivante ? Et comment je m’assure de m’y reconnaître, sans forcer, sans chercher à porter le costume d’autres ?

Peut-être, enfin, parce que j’ai longtemps cherché comment prendre ma place tout en respectant ma nature, sans « faire comme les autres » pour qui prendre de la place était beaucoup plus naturel. Et je suis en train de trouver.

L’écho entre la place physique et la place symbolique ne m’échappe pas, et m’intéresse beaucoup. Dans cette aventure entrepreneuriale dans laquelle je me suis lancée, j’apprends à prendre de la place, à rêver de plus en plus grand, et ce chemin est riche en apprentissages.

Comme d’autres épreuves marquantes d’une vie, l’arrivée des enfants force à se poser ces questions. Ils en prennent beaucoup de place, les enfants. De la place, du temps. Et charge à nous de continuer à faire de la place pour le reste, qui compte aussi. J’ai écouté un très bel épisode de podcast qui abordait, entre autres, ce sujet, avec Esther Perel, dont je vous parle souvent tant j’admire son travail.

Il s’agit bien de cela : que l’on veuille « prendre la place » que l’on souhaite pour soi, ou « faire de la place » pour ce qui compte, ce sont dans les deux cas des verbes d’action. Des actes qui impliquent, qui engagent.

Je viens de tomber sur cette très belle citation d’Alexandre Jollien, philosophe et écrivain suisse, qui me ravit et clôt cette lettre :

« La vie est bien trop courte pour perdre son temps à se faire une place là où l’on n’en a pas, pour démontrer qu’on a ses chances quand on porte tout en soi, pour s’encombrer de doutes quand la confiance est là, pour prouver en amour à qui n’ouvre pas les bras, pour performer aux jeux de pouvoir quand on n’a pas le goût à ça, pour s’adapter à ce qui n’épanouit pas.

La vie est bien trop courte pour la perdre à paraître, s’effacer, se plier, dépasser, trop forcer.

Quand il nous suffit d’être, et de lâcher tout combat que l’on ne mène bien souvent qu’avec soi, pour enfin faire la paix, être en paix.

Et vivre. En faisant ce qu’on aime, auprès de qui nous aime, dans un endroit qu’on aime, en étant qui nous sommes. Vraiment. »

Nouveau mantra “Always take up the space you choose”.

En avant mes Équilibristes, et take good care,
Sandra